Pourquoi la collapsologie ?

Depuis 1972 et le rapport du club de Rome, nombre d’analystes pointent l’impossibilité d’une croissance infinie dans un monde fini, et les recherches sur la fin de la croissance se multiplient au rythme de l’émergence des premiers signes d’effondrement de notre société. Ceux-ci peuvent être environnementaux (crise de la biodiversité, réchauffement climatique, stérilisation des sols, raréfaction des ressources métalliques, énergétiques, etc…) ou sociaux économiques (crises financières, augmentations des inégalités, crises sociales cachées derrières des guerres religieuses ou la montée des extrémismes). C’est l’analyse croisée de ces facteurs qui fait la richesse de l’approche « collapsologiste »[1], qui s’intéresse à l’effondrement de notre modèle de société, et qui prouve que notre futur proche sera très… différent !
A la question du « quand ? » surviendra cet effondrement, la prospective réalisée en 1972 s’est jusqu’ici montrée étonnamment juste par rapport aux difficultés de l’exercice, et ces recherches annonçaient un effondrement global (y compris démographique…) aux alentours de 2030[2].
Un autre moyen pertinent de prendre la mesure de ces changements majeurs qui nous attendent est la lutte contre le réchauffement climatique engagée à dire d’élus depuis la COP21, c’est à dire en décembre 2015. La trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre a été chiffrée et validée au moins au niveau national.
A quoi s’est-on engagé ? À contenir le réchauffement global à 2°, ce qui est déjà lourd de conséquences sur notre environnement, et dramatique dans certains pays déjà peu gâtés en termes de climat. Pour atteindre cet objectif, la France doit diviser par 4 ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, voire 6 selon certains experts, et pas en 2049, mais dès aujourd’hui car les GES s’accumulent et ces objectifs intègrent une baisse régulière de nos émissions. Le problème auquel nous sommes confrontés, c’est que nous ne savons pas bien découpler la croissance économique et les émissions de GES, en tous cas pas du tout à la mesure des enjeux. Le premier exemple criant : substituer les énergies fossiles par des renouvelables, et le parc de véhicule par des véhicules électriques est un tel effort industriel qu’il se traduirait à court terme par une augmentation substantielle de nos émissions, en complet désaccord avec les objectifs annoncés. Et cela sans aborder la question des ressources énergétiques et métalliques nécessaires à cet effort industriel, dont le coût financier et environnemental est exponentiel à mesure de leur raréfaction. Les engagements pris par nos représentants inscrivent bien la France dans une décroissance de ses émissions de GES et donc de son niveau de vie d’un facteur de 3 à 5 d’ici à 2050 (si tant est que nos représentants tiennent leurs engagements, mais c’est une autre question).
Étonnamment, l’ensemble des candidats à la présidentielle de 2017 promettaient la poursuite de la croissance, chacun à sa façon. Aucun n’a envisagé de préparer le pays aux chocs qui l’attendent, qui sont souvent bien identifiés mais pas toujours mis en lien, et qui impliquent une prise de conscience massive et des changements de comportements radicaux. D’où l’idée d’imaginer un programme électoral non pas de transition, mais de préparation à la résilience de la société française à une série de chocs l’amenant à une décroissance aussi forcée que brutale.
[1]    D’après « Comment tout peut s’effondrer », Pablo Servigne et Raphael Stevens, ed. Seuil, 2015 : La collapsologie est « l’exercice transdisciplinaire d’étude de l’effondrement de notre civilisation industrielle et de ce qui pourrait lui succéder, en s’appuyant sur les deux modes cognitifs que sont la raison et l’intuition et sur des travaux scientifiques reconnus ».
[2]    « Les limites à la croissance (dans un monde fini) » Donella Meadows, Dennis Meadows, Jorgen Randers, ed. Rue de l’Échiquier, 2012